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Sumie

Avez-vous déjà entendu parler du cannibale japonais qui avait tué son amie hollandaise pour ensuite déguster sa viande pendant un séjour d’étude dans la capitale française (oui, en France) et qui a publié un livre sur cette étape de sa vie ?

Ce n’est pas de lui que je vais vous parler. Moi, j’aimerais vous présenter un autre auteur qui lui aussi était meurtrier, mais dont les écrits ne ressemblent en rien à ceux de notre cannibale. Nagayama Norio aussi a été connu dans son temps : la série des quatre meurtres dont il était l’exécuteur et le procès qui suivit ont résonné dans les médias des années 1970, et son journal intime composé de pensées poétiques écrites en prison est devenu un best-seller de l’époque.

Il s’est ensuite lancé dans la narration, le récit de son enfance et de sa jeunesse, entremêlé parfois et selon les textes à la fiction et à l’imagination. Appelons cela autofiction, puisque nous ne trouvons meilleurs termes.

Mais pourquoi mentionner le cannibale si ce n’est pas de lui que je veux parler ? Parce que les textes de Nagayama peuvent être appréciés justement par ce qu’il a choisi de ne pas écrire, contrairement à son compatriote. Notre auteur nous relate des épisodes de son enfance, de sa jeunesse et tout cela pour nous parler de son profond mal-être lié à sa place, ou plutôt manque de celle-ci, dans la société. Son texte insiste sur un complexe d’infériorité qu’il semble avoir par rapport à presque toutes les personnes qu’il croise, sans ne jamais revenir sur ses crimes. Cela ne signifie pas que ses écrits ne peuvent être liés à l’incident qui a causé sa célébrité, mais son écriture permet de comprendre qu’au final ce n’est pas cela qui est le plus important dans son histoire. En effet, tuer serait sans doute le résultat d’une accumulation de difficultés et d’états psychiques dont personne ne peut véritablement comprendre l’origine, mais c’est justement la description de cette existence qui permet tant que mal de saisir ce qui aurait pu le pousser à l’acte, et c’est ce cheminement de l’enfance à l’adolescence, misérable sans pour autant être unique, qui devrait intéresser le lecteur.

Sources :

永山則夫、『木橋』

小倉孝誠、『犯罪者の自伝を読む』

CIMG8941Normalement, je ne suis pas une grande adepte des huîtres. Disons que mon expérience se traduisait jusque-là à en avoir avalée une, crue comme elles le sont à la méditerranéenne, et à l’avoir regretté quelques secondes après. Ce n’était pas le goût d’eau salée et de citron ensemble qui m’a déplu, mais la texture moelleuse du coquillage.

Or, ce n’est pas une mauvaise expérience du passé qui va m’empêcher d’en faire de nouvelles. Par la générosité d’une amie japonaise, j’ai été invitée à manger des 焼きガキ (YAKIGAKI), huîtres grillées. On est arrivé sur place vers midi, et autour de nous se trouvaient des filets de pêche à huîtres, et une dizaine de tentes, clairement des restaurants au look rustique. Devant les tentes attendaient en foule des gens affamés. Nous, parce que c’est comme ça quand on se sert de son réseau, avions une réservation, et nous nous sommes installés tout de suite. Pour manger ces délices de la mer, il fallait d’abord se vêtir pour l’occasion. Nous avons avec grand plaisir enfilé des anoraks oranges pour se protéger des projectiles de crachats qu’envoient les huîtres, sûrement mécontents d’être grillées vivantes.

Bon, une fois installés, il fallait passer la commande. Chose difficile puisqu’il y avait une grande variété de produits de la mer, dont les noms malgré mes compétences modestes en japonais, m’étaient inconnus. Notre hôtesse à donc pris le relais, et s’est occupé de commander tout ce qu’elle pensait pouvoir nous plaire. Gambettes, grand coquillage de la taille d’un ballon de baseball et bien sûr les fameuses huîtres. L’ensemble servi vivant. Entre gambettes qui prenaient la fuite vers la sortie de la tente, et nos propres difficultés à griller vivant les fruits de mer (observer les gambettes se tordre n’était pas un plaisir), nous avons malgré tout profité d’un excellent repas. Suggestion : apporter du beurre (en tube, c’est le plus simple). La recette huître grillée + beurre fondu + jus de citron est peut-être simple, mais qu’est-ce que c’est bon !

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Pour m’occuper ailleurs qu’à la plage pendant mon été à Cannes, je suis allée jeter un coup d’œil à l’exposition « De l’expressivité primitive au regard inspiré » au Centre d’art La Malmaison. Les quelques œuvres présentées dans quatre petites pièces font partie d’un ensemble imaginé sur trois lieux différents, comprenant également la Villa Domergue et le musée de la Castre.

Le titre de l’exposition transmet clairement son contenu : des statues et masques de l’art traditionnel africain, mêlés à des peintures ou sculptures contemporaines dont l’esthétique suggère une inspiration « primitive ». Cette notion étant très large, aucune œuvre ne sort de la thématique. Le lien entre les différents composants est donc clairement tissé, mais il est tout de même difficile de vivre l’expérience comme un ensemble, puisque le point commun des artistes est une notion large qui s’applique à une grande variété d’objets. Cela n’empêche pas l’appréciation des tableaux individuellement, et de se plonger dans le monde coloré de Robert Combas, ou dans le tableau fluorescent « Pregnant » de Kawagurka.

 

 

 

En cette fin d’année scolaire, certains comme moi ont la chance de savourer la réussite personnelle et gratifiante de la réception d’un diplôme. Mes aventures ne sont pas terminées et je compte continuer mes études pour un bon petit moment encore, mais j’aurais aimé assister, comme le font tant d’autres en fin d’études, à une cérémonie de remise de diplôme.

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Je ne devrais pas me plaindre. Mon département a cette année, pour la première fois, organisé un événement qui même si par la forme était encore très éloigné de son équivalent japonais (modèle sur lequel se sont sans doute basé les responsables), était fort en bonté par l’intention de vouloir offrir une opportunité aux élèves de célébrer en communauté leur exploit. Malheureusement pour moi, l’information m’est parvenue assez tard, et contrairement à mes envies, je n’ai pas pu y assister.

Je me pose alors la question ? Pourquoi en France n’a-t-on jamais fait ce genre de festivités superflues quand dans tant d’autres pays c’est une corvée ennuyeuse mais nécessaire, qui permet aux parents de prendre des photos et aux étudiants de trouver une bonne excuse pour se défouler et sauter dans tous les sens lors de la soirée qui suit ? Est-ce parce qu’on manque un sentiment d’appartenance à notre promotion et qu’on préfère fêter tout ça dans notre coin, chacun avec sa propre petite bande d’amis ?

En tout cas, je regrette ne jamais avoir eu de chapeau, que ce soit au lycée comme à l’université. Cela aurait été une belle expérience, et une horrible photo qui manque à ma collection.

Le Pavillon d’or de Mishima

le pavillon d'or

Le Pavillon d’or de Mishima Yukio est l’un des premiers romans évoqués, lorsqu’on se pose la question « et la littérature japonaise ? ». Il s’agit d’une œuvre incontournable d’un auteur très connu, même en Occident.

De quoi parle donc ce bouquin que tout le monde est « censé » connaître ? C’est l’histoire d’un jeune garçon/homme dont tous les malheurs de la vie sont liés à son bégaiement. Il n’a jamais réussi à communiquer avec ses semblables et se fait harcelés par ses camarades de classe. Depuis tout jeune, son père lui parle du Pavillon d’Or, comme étant le monument le plus divin qui existe sur terre. Bien sûr, le garçon s’imagine un temple doré, qui illuminerait son âme assombri par les difficultés de son enfance. Lorsqu’il voit enfin le Pavillon de ses propres yeux, il est terriblement déçu et il développe alors une sorte de relation, et oui je dis relation, entre admiration et haine, avec le monument. Lorsqu’il intègre lui-même le Pavillon d’Or en tant que moine apprenti, il se met à planifier sa destruction…

Alors, pourquoi en parle-t-on tant ? Tout d’abord, l’esthétique de l’écriture est sans équivalent et on le ressent même dans la traduction française. Le Pavillon d’Or est décrit d’une telle manière, qu’on ne peut s’empêcher de lire avec passion ces passages plutôt longs, qu’on aurait sauté dans tout autre roman. Puis, il ne faut pas oublier le personnage que s’est donné l’auteur dans les médias, de son vivant… et surtout dans sa mort. En effet, Mishima qui luttait pour une politique nationaliste d’extrême-droite, s’est suicidé à la japonaise en 1970, c’est-à-dire, au fameux seppuku (se couper le ventre après une défaite), et tout cela devant des caméras. Il n’est donc pas difficile de comprendre d’où vient une partie de sa célébrité.Yukio_Mishima

Pourtant, il ne faut pas dénigrer son écriture juste parce qu’il est connu. Il est même impossible de nier son génie, bien qu’on ait envie de l’accuser pour son extravagance.

“[…] Mon père, sans doute, ne m’avait jamais dit, du vrai Pavillon d’Or, que, par exemple, il étincelât de mille dorures. Mais, à l’entendre, il n’existait nulle chose au monde qui l’égalât en beauté ; et le Pavillon d’Or qui se dessinait dans ma pensée à la seule vue des lettres, à la seule résonance du mot, avait quelque chose de fabuleux…

Voyais-je, au loin, miroiter les rizières ? “C’est l’ombre d’or du Temple invisible”, me disais-je. Le col de Yoshizaka, où passe la frontière entre la préfecture de Fukui et notre département de Kyôto, se trouve en plein est ; le soleil monte de par là. Bien que Kyôto elle-même soit à l’opposé, c’est le Pavillon d’Or que, dans l’échancrure des montagnes, je voyais surgir du soleil levant et s’élancer haut dans le ciel.

Ainsi, le Pavillon d’Or m’apparaissait-il partout […]“ p.28-29 Le Pavillon d’Or de Yukio Mishima, traduit par Marc Mécréant

Je vous présente ici un dossier sur la violence conjugale au Japon, rédigé dans le cadre d’un cours de société et droit japonais. L’étude se présente en trois partie :

  • Une courte historique de l’évolution des mesures contre la violence conjugale au Japon
  • La loi et les dispositions actuelles contre la violence conjugale au Japon
  • La situation actuelle et le renouvellement du débat

Le dossier est basé sur des publications et des ressources en ligne fiables, mais je tiens tout de même à insister sur mon statut d’étudiante. Il s’agit d’une éventuelle introduction au sujet, mais il est préférable de retourner aux sources mêmes qui ont permis la rédaction de cette étude (voir la bibliographie), si l’on souhaite en citer une partie.

Dossier sur la violence conjugale au Japon par Maria Petersen

Connaissez-vous déjà le poète japonais Yoshimasu Gôzô ? Il a récemment (avril 2013) été reçu à la quatrième classe de l’Ordre du soleil levant (Kyokujitsu shôjushô).

Ce poète, qui selon le Asahi Shimbun « vit de sa poésie » (expression que je choisis d’interpréter dans les deux sens), recherche dans ses compositions l’extrémité de toutes les possibilités langagières (d’où la difficulté qu’on peut avoir à le comprendre). Un petit lien vers France Culture : il a participé à l’émission « La poésie n’est pas une solution » en 2012, donc si vous ne le connaissiez pas encore, vous en avez maintenant l’occasion.

Mais quel rapport avec Van Gogh ? Aucun, à vrai dire. Or je suis tombée sur un article du Asahi Shimbun dans lequel Yoshimasu Gôzô s’exprime sur ce célèbre peintre, d' »une sensibilité qu'[il] lui envie […] A travers son regard, l’objet de sa peinture se projette sur nous ». Van Gogh, qui imaginait lui-même la beauté du Japon à travers ses œuvres, est dans le pays d’où il en a puisé une partie, jalousé pour son émotion.

Vincent van Gogh, Portrait of the Artist, 1889

Vincent van Gogh, Portrait of the Artist, 1889

Deux notions très complexes mais également très présentes dans la société japonaise sont le uchi et le soto donc respectivement l' »intérieur » et l' »extérieur ».

Dans les grandes lignes, le uchi correspond à un groupe social auquel s’identifie chaque individu comme par exemple la famille, ou l’entreprise dans laquelle on travaille. Ce n’est pas que cette forme d’identification n’existe pas en occident, mais sa valeur est bien plus forte au Japon.

© Maria Petersen

© Maria Petersen

Pour simplifier, je vais prendre l’exemple de la famille. Au sein de la famille, il existe une hiérarchie sociale (patriarcale dans le cas du Japon). C’est donc par rapport à cette hiérarchie-là que va fonctionner la famille. Il s’agit en effet d’une petite « cellule » privée pour reprendre le terme utilisé par Augustin Berque, dans laquelle chaque individu occupe une place. Lorsque l’individu s’éloigne du uchi et s’aventure  dans le soto, il devient un représentant de son groupe à l’extérieur. Ce n’est alors plus la hiérarchie intérieure du groupe qui prévale, mais la hiérarchie entre les différents groupes.

Les cellules dont parle Augustin Berque sont donc une forme de minis-sociétés qui fonctionnent indépendamment. Les conflits internes par exemple, se règlent de préférence à l’intérieur du uchi, selon la hiérarchie qui y est installée. Le soto est alors l’espace réservé à la rencontre entre les différentes cellules.

La société japonaise présente de nombreux exemples concrets de ces deux notions. Dans une entreprise par exemple, le salaire est à discuter au sein de l’entreprise et les syndicats n’y sont  en principe pas impliqués. Dans le cadre de la famille, le divorce se règle de préférence entre les deux conjoints avec ou sans la présence d’un médiateur impartial et il existe plusieurs procédés possibles avant d’avoir recours au tribunal.

Cette structuration de la société a également posé des problèmes dans certains cas, notamment en ce qui concerne la violence conjugale, puisque ces « disputes de couples » étaient considérés comme des conflits internes qui devaient être réglés au sein du uchi. 

Pour les plus curieux, voir : Augustin Berque, Le sens de l’espace au Japon, Vivre, Penser, Bâtir

Yue Minjun in Paris

Ce dimanche 24 mars se termine l’exposition de la Fondation Cartier sur l’artiste chinois Yue Minjun. Je ne sais pas si vous connaissez déjà cet artiste très original, qui est de plus en plus connu en Europe. Ses tableaux dégorgent d’ironie et même si on peut y lire de nombreuses critiques de la société chinoise, il serait faux d’en effacer tout l’humour dont est composé le fond. Le peintre se rit de son propre message et c’est autant une satire de l’art qu’une belle oeuvre en soi. Il peint du lourd et le rend léger. C’est un talent rare.

The Archaeological Find AD 3009, 2011, Yue Minjun

The Archaeological Find AD 3009, 2011, Yue Minjun

En septembre de l’année 2012, j’ai participé à un chantier international pendant trois semaines au Japon.

J’ai pu partir grâce à Jeunesse et Reconstruction, en partenariat avec l’association japonaise NICE qui a organisé la mission.

Je voudrais vous raconter mon voyage qui m’a permis de découvrir un aspect de la culture japonaise que je ne peux qu’aimer : la bienveillance (et peut être la qualité du service). Mon Rapport de voyage que j’ai rédigé une fois revenue en France, contient le récit des quelques péripéties vécues au Japon qui m’ont donné ces impressions positives. Il ne s’agit aucunement de recherches scientifiques. C’est simplement un témoignage sincère sur les évènements qui m’ont le plus marquée.

Photo d'une jeune japonaise qui distribue des mouchoirs publicitaires. Prise à Fukuoka, 2012 par Maria Petersen

Photo d’une jeune japonaise qui distribue des mouchoirs publicitaires. Prise à Fukuoka, 2012 par Maria Petersen